Les populations les plus touchées par la dépression
En Europe, près de 7 % de la population déclare avoir souffert d’un épisode dépressif au cours des douze derniers mois, selon les dernières données de l’Organisation mondiale de la santé. Les chiffres montrent une forte disparité selon l’âge, le sexe, la situation sociale et le pays de résidence.
Les femmes, les jeunes adultes et les personnes en situation de précarité sont particulièrement exposés, avec des taux de prévalence nettement supérieurs à la moyenne. Certains pays nordiques affichent des chiffres plus élevés que d’autres, malgré des systèmes de santé réputés efficaces.
Plan de l'article
Comprendre la dépression : définitions, symptômes et enjeux de santé publique
La dépression ne se résume jamais à une simple humeur triste. Elle s’impose aujourd’hui comme la maladie mentale la plus répandue sur le territoire européen, d’après l’OMS. Ce trouble va bien au-delà d’un coup de blues passager : il s’installe, s’impose, et perturbe le quotidien de façon radicale. Perte d’intérêt pour les activités, énergie en berne, ralentissement des gestes, nuits agitées, appétit bouleversé, estime de soi en miettes, pensées sombres… Le diagnostic s’appuie sur l’accumulation de ces signaux, persistants plusieurs semaines d’affilée.
On sait aujourd’hui à quel point la dépression repose sur des facteurs multiples et imbriqués. Les causes sociales, isolement, chômage, deuil, pauvreté, s’ajoutent à des facteurs biologiques tels que les déséquilibres de neurotransmetteurs, une contraction de l’hippocampe, un excès de cortisol, ou la chute du BDNF. L’environnement global, l’exposition à la violence, certaines substances (alcool, drogues, traitements), et la génétique viennent compléter ce terrain vulnérable.
Pour mieux cerner le trouble, les outils de repérage se multiplient. Le Patient Health Questionnaire (PHQ-8) s’impose désormais comme un standard dans les grandes enquêtes européennes. La dépression pèse lourd sur les sociétés : elle provoque entre 35 et 45 % des arrêts de travail en France et est impliquée dans plus d’un suicide sur deux. Les enjeux pour la société sont considérables : il s’agit de faciliter l’accès au diagnostic, de combattre les préjugés persistants, de rendre la psychothérapie accessible, d’encadrer l’usage des antidépresseurs et, pour les cas les plus sévères, d’envisager les électrochocs.
Qui sont les plus exposés ? Statistiques et profils à risque en France et en Europe
Les données parlent d’elles-mêmes. En France, l’enquête EHIS 2019 révèle que 11 % des plus de 15 ans présentent un syndrome dépressif. Chez les 18-85 ans, la prévalence grimpe à 12,5 %. Derrière ces chiffres, les écarts se creusent. Les femmes sont deux fois plus concernées que les hommes, 13 % contre 6,4 %. Le risque augmente nettement avec l’âge : chez les plus de 70 ans, il atteint 16 %. Les jeunes adultes, eux, ne sont pas à l’abri : 10 % des 15-24 ans traversent un épisode dépressif.
Voici quelques chiffres pour mieux cerner les populations concernées :
- Enfants : entre 2,1 et 3,4 % sont touchés par un trouble dépressif.
- Adolescents : 14 % concernés, selon Santé Publique France.
- Étudiants : la prévalence dépasse de 4 points celle de la moyenne nationale.
La condition sociale joue un rôle déterminant. Chômage, bas revenus, santé physique fragile, veuvage, isolement : ces facteurs s’accumulent et élèvent le risque de dépression. Les personnes sans emploi ou séparées sont particulièrement exposées. Chez les jeunes, l’utilisation massive des réseaux sociaux aggrave le sentiment de mal-être, une tendance accentuée chez les jeunes filles.
Si l’on élargit la focale à l’Europe, la France dépasse largement la moyenne continentale de 6 %. Les seniors européens affichent une prévalence de 12 %, avec des pics pour la France. Impossible de nier l’évidence : la dépression s’attaque d’abord aux profils les plus vulnérables, à la croisée de l’âge, du genre, de la santé et du niveau social.

Dépression en Europe : des disparités révélatrices et des pistes pour mieux prévenir
La cartographie de la dépression en Europe dévoile un contraste inattendu. Selon l’enquête EHIS, la prévalence moyenne atteint 6 % sur le continent. Mais derrière ce chiffre global, les écarts sont frappants : certains pays du Nord et de l’Ouest, Allemagne, Suède, Danemark, Irlande, affichent des taux supérieurs à ceux du Sud et de l’Est. En Grèce, au Portugal, en Roumanie ou en Serbie, la proportion de syndromes dépressifs chute sous la barre des 3 %. Difficile de trancher : s’agit-il d’une question de culture du diagnostic, d’un accès inégal aux soins, du poids de la stigmatisation ou d’une réalité épidémiologique différente ?
En examinant de plus près, certains groupes se distinguent. Chez les seniors, la moyenne européenne se situe à 12 %, mais la France grimpe à 16 %. Les jeunes aussi sont concernés : dans le Nord de l’Europe, 14 % des 15-24 ans souffrent de troubles dépressifs, contre 9 % à l’Ouest et moins de 3 % au Sud et à l’Est. Ces différences soulignent l’impact de facteurs sociaux, économiques et sanitaires propres à chaque région.
Les comparaisons entre pays restent délicates. Les méthodes diffèrent, certains territoires minorent le phénomène, d’autres excluent des populations fragiles (personnes institutionnalisées, migrants). La stigmatisation freine encore la déclaration des symptômes. Pour tenter de réduire ces écarts, l’OMS a lancé le programme mhGAP, qui vise à améliorer l’accès aux soins pour les troubles psychiques et neurologiques.
Pour agir, il faut s’attaquer à plusieurs leviers : briser l’isolement, garantir un accès équitable aux soins psychiques, combattre la précarité, renforcer la formation des professionnels de santé mentale. Les chiffres dressent un état d’urgence, mais aussi un cap : reconnaître enfin la souffrance psychique comme un défi de santé à l’échelle européenne. Les lignes bougent lentement, mais chaque politique publique, chaque prise de parole contribue, à sa mesure, à desserrer l’étau invisible de la dépression.